Les Arméniens à l’heure des dictatures et des massacres

En ces temps noirs de guerres sales et meurtrières, recevoir la demande d’un membre éminent de la Légion étrangère par l’intermédiaire d’un journaliste, complice de longue date dans l’intransigeance en faveur de la liberté d’expression est un honneur.
De quoi s’agit-il ? de l’indignation de Constantin Lianos et de José d’Arrigo qui m’ont demandé une réaction sur un génocide en cours, sous nos yeux dans le Sud Caucase. Le génocide des Arméniens par les Turcs a débuté le 24 avril 1915 : il y a plus d’un siècle. Et il continue aujourd’hui avec la volonté du Turc Erdogan et de l’Azerbaïdjanais Aliev d’en finir une fois pour toutes avec les Arméniens honnis parce que chrétiens et résistants comme le village gaulois d’Astérix encerclé par l’immense empire romain. 

Le panturquisme profite de cette période de l’histoire où les grandes puissances regardent ailleurs pour lancer des offensives meurtrières dans le Haut Karabakh peuplé d’irréductibles Arméniens. Les temps ne sont plus aux combats à l’arme blanche, gagnés par les plus courageux. Non, les nouvelles guerres exigent des drones et de la technologie de pointe très coûteuse. La pauvre Arménie qui ne dispose ni de rente pétrolière ni d’armement sophistiqué, seulement d’un amour immodéré pour la liberté et de bras pour cultiver la terre est harcelée de toutes parts par les troupes azéries et les mercenaires turcs. Une guerre éclair qui a coûté la vie à toute une génération de Karabakhtis qui subissent les mêmes horreurs de la guerre que leurs ancêtres de l’Empire ottoman. 

Le pire, c’est que toutes les femmes et tous les hommes de pouvoir, malgré de timides messages de sympathie, ne bougent pas le petit doigt pour leur venir en aide. Silence radio de l’européenne Ursula van Der Leyden, bouche cousue du Président des Etats-Unis et de quelques autres « grands » de ce monde. Un silence complice de tous ceux qui affirment « plus jamais ça ». Et bien « ça » recommence ! Et reviennent en mémoire les images des marches forcées dans les déserts de Syrie et de Mésopotamie. Car ce n’est pas chose facile que de se débarrasser d’un million et demi de personnes, vieillards, femmes, enfants. Le mot d’ordre était : « exterminez les jusqu’au dernier ».

 Et puisqu’il en reste encore, leur combat continue avec de nouvelles méthodes et le chantage à la livraison du pétrole devenu rare à cause de la folie meurtrière de Vladimir Poutine qui a, lui, formé le dessein de génocider le peuple ukrainien.

Si, à juste titre, les yeux sont braqués sur Kiev, faut-il en même temps oublier les petits peuples martyrisés par l’histoire : les Arméniens, les Africains du Tigré, du Nigéria, du Yémen et de dizaines d’autres pays soumis aux lois de dictateurs sanguinaires, prêts à tout pour se maintenir au pouvoir ?
En d’autres temps, André Malraux prédisait que notre siècle serait religieux ou ne serait pas. Il s’est partiellement trompé. Et lorsque la religion est mise en avant dans certains conflits, c’est pour mieux masquer les massacres : c’est qu’en Turquie, en Iran, en Afghanistan et dans le Haut-Karabakh, tout le monde sait « qu’Allah est grand ». Et au nom de ce mot d’ordre tout est permis. Surtout le pire. Le panturquisme disait-on, mais où est -il passé en Chine où la minorité musulmane ouïgour est, elle aussi, en butte à la volonté génocidaire des communistes chinois, sans que les mosquées  s’enflamment de cris de protestation. Nous voilà entrés dans le monde du silence dès qu’il s’agit de massacrer les petits peuples sans grande importance géopolitique. Pas d’énumération de ces peuples au risque d’en oublier tellement ils sont nombreux depuis que nous sommes entrés dans l’ère des dictateurs et des indignations sélectives.

JeanKehayan
Journaliste et essayiste

Ancien président du Club de la Presse Marseille-Provence